
Hélène Vincent pour Guillevic -
"Echos, disait-il" Enfance en poésie - Gallimard Jeunesse
Mettre l’Art au coeur de l’enseignement
Quiconque s’intéresse à l’éducation saisit combien la fréquentation des oeuvres peut servir le développement de l’enfant et du citoyen.
La démarche artistique renouvelle la relation pédagogique. Elle offre une nouvelle opportunité de développement et de réalisation, une autre façon également d’appréhender la notion de culture, d’aimer ce qui fait le commun d’une nation.
Le choix de l’éducation à l’art et par l’art est donc celui d’une société qui fabrique du sens partagé autour de valeurs immatérielles. Le choix d’une Ecole de la République qui offre une alternative aux valeurs consuméristes et individualistes. Le projet d’une nation qui compose son unité dans la diversité en donnant à chaque enfant la chance d’éveiller sa part sensible, de nourrir son imaginaire pour s’émanciper grâce à tous ses talents. Pour préparer l’avenir, l’éducation artistique et culturelle est bien un atout qui aide à grandir et à vivre ensemble.
La voix de Maguy Marin au Théâtre de la Colline en décembre 2014 transmettait magnifiquement cette conviction :
« Mettre l’Art au coeur de l’enseignement des enfants et des jeunes est essentiel pour les aider à se dégager de l’idée martelée d’une préfiguration du monde. L’Art n’est pas une discipline. Enseigner les arts n’est pas un dressage mais un « toucher des choses » menant à une meilleure connaissance du monde et de soi-même.
Qui suis-je ? Est une question que les êtres humains se posent depuis la nuit des temps. C’est une question essentielle pour tout un chacun qui se déploie dès l’enfance. Et qui prend une couleur singulière à travers l’acte poétique pour tous les créateurs et interprètes de disciplines littéraires ou artistiques. Aiguiser les sens et les réflexions de cette question pour pouvoir dire comment est-ce que je perçois le monde, pour que pas à pas, se révèle un processus, un cheminement qui met dans la position du chercheur, de l’explorateur, conséquence de tâtonnements, d’hésitations, de questions à résoudre du mieux possible.
De quelles couleurs, formes, sons ou mots ai-je besoin pour donner vie à cette vision, et à travers elle, exprimer qui je suis ? Comment cette vision même change-telle mon identité, mon approche du savoir, mon système de valeurs ?
Ce questionnement par l’Art entame un commencement qui me définit déjà, me fait connaître à moi- même, me représente. Je suis auteur de ce premier jet. Je peux le transformer, le déformer pour arriver à une 2ème esquisse, que je pourrais retravailler pour lui donner une 3ème forme, et ainsi de suite, faire, refaire, défaire. Sans cesse, apprendre qu’il faudra encore et encore choisir entre faire une chose ou une autre par un processus d’élimination, une série de décisions, de tergiversations qui demande une pause, un arrêt, un moment de réflexion. Un travail d’archéologie qui oblige à creuser, à chercher, pousse à s’intéresser aux influences qui construisent la pensée, et dans ces influences qui me constituent, quelles sont celles que je retiens, que je repousse ? Cela oblige à faire connaissance avec soi-même comme s’il s’agissait de quelqu’un d’autre, à se distancier. A se voir comme un autre. A se situer en autre parmi les autres en découvrant que d’autres, avant moi, avaient déjà fait ce qu’il me semblait avoir découvert par moi-même. En m’exilant de moi-même, en acceptant de me déplacer, je découvre d’autres mondes que j’ignore, d’autres manières de faire, une multiplicité d’actes déjà faits et refaits, des gestes et des gestes séculiers, des démarches que je ne reconnais pas encore, parce que je ne les connais pas encore. »
Extrait du sujet 47 de l’épreuve « Connaissance du système éducatif » du CRPE 2021 – Académie de Nice